mercredi 24 juin 2009

Micheau-Vernez au Musée du Faouët


Une intéressante exposition au Musée du Faouët, doublée de la publication d’un bel ouvrage de référence m’amène à faire le point sur Robert Micheau-Vernez.

Comme la plupart, j’ai d’abord entendu parler de Micheau-Vernez en voyant des statuettes de danseurs portant des costumes locaux. Le grand groupe [grande gavotte de Quimper] figurant en couverture du catalogue de l’exposition quimpéroise du tricentenaire a largement marqué les esprits !

Danseurs captés dans leur mouvement, costumes étudiés avec un grand souci de véracité… mais d’autres céramiques me viennent immédiatement en tête. Les plus anciennement créées comme les deux joueurs de cartes à califourchon sur un banc ou encore la femme d’Ouessant, ces céramiques aux méplats accusés, avec un je-ne-sais-quoi très plaisant de primitif, le service à gâteaux aux enfants extrêmement simplifiés, l’audacieux couple de danseurs des Sables-d’Olonne ou encore la hiératique Rouanez an Arvor.

En m’intéressant plus précisément aux Seiz Breur, à l’époque de ma collaboration au catalogue de l’exposition de 2000 j’ai aussi découvert l’illustrateur talentueux. Je me souviens avoir été particulièrement marqué par la couverture de l’édition en langue bretonne du Poisson d’or de Paul Féval qui devenait Ar Pesk aour et s’équilibrait autour d’un poisson mythique et de caractères celtisants très modernes. Une affiche avait également retenu particulièrement mon attention. Représenté de manière très puissante mais elliptique, oblique, Nominoe à cheval au visage casqué et brandissant une épée annonçait le Bleun Brug de Brest en 1932.

Mais je n’avais là qu’une pâle image de l’œuvre de Robert Micheau-Vernez.

L’exposition du Faouët lui rend pleinement hommage tant elle insiste sur l’œuvre pictural au détriment de l’œuvre céramique sur-représenté ailleurs (et bien connu depuis l’exposition monographique du Musée de la Faïence de Quimper en 2004). Ne manque ici pour rendre justice à l’artiste que le mobilier (une chambre à coucher a pourtant été acquise en 2007 par le Musée départemental breton de Quimper).

Autant le dire, mais l’affiche l’annonce, c’est un choc chromatique qui attend le visiteur !

Le parcours s’effectue de manière thématique. La couleur, puissante, domine partout, flamboyante.

Même si les salles sont donc organisées thématiquement, il apparaît bien vite que le sujet des œuvres n’est que prétexte. Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées, écrivait Maurice Denis, dont Robert Micheau-Vernez fut un temps l’élève aux Ateliers d’Art Sacré.

Micheau-Vernez expérimente la couleur, recherchant des rencontres chromatiques audacieuses, restant toutefois dans le cadre de la figuration… même si celle-ci sait se faire parfois excessivement discrète !

Beau paradoxe que celui de cet artiste d’un naturel plus que réservé et faisant apparaître un monde aussi flamboyant !

L’ouvrage, grandement documenté, rédigé sous la houlette de Jean-Marc Michaud, nous apporte une belle connaissance de l’œuvre de Robert Micheau-Vernez et nous donne quelques clefs pour tenter de comprendre son univers.

Tevel ag ober [se taire et agir] était la maxime ô combien explicite que s’était choisi l’artiste.

Son activité artistique s’est étendue sur quelques 61 années dont la moitié passées dans le Midi de la France !

Né à Brest et destiné à suivre les traces paternelles dans la Royale, il choisit la voie artistique (il suit l’enseignement de Charles Lautrou à Brest, celui d’Emile Simon aux Beaux-Arts de Nantes enfin les cours de l’atelier Lucien Simon aux Beaux-Arts de Paris. En parallèle, il fréquente également les Ateliers d’Art Sacré de Maurice Denis durant cette période parisienne.

En 1932 approximativement, il entre dans l’Unvaniez ar Seiz Breur qu’il quitte aux lendemains de la guerre.

Marié et père de trois enfants, il devient professeur de dessin, pour des raisons de subsistance. Micheau-Vernez avait toutefois le goût de l’enseignement. Il fut conférencier à ses heures, donnant des séries de cours d’histoire de l’art dans les locaux du monastère de Kermabeuzen à Quimper ou dans le cadre du Centre culturel de Quimper qu’il crée au tout début des années 1960.

Mais la vie de Robert Micheau-Vernez peut avant tout se lire dans ses toiles. Sa palette, mal connue à ses débuts, devient flamboyante dès les années 1940. Les trois couleurs complémentaires sont utilisées avec puissance dans une harmonie où domine la chaleur. « Dans mes toiles, vous ne trouverez pas de gris et j’ai peur du brun. C’est le silence de la mort » déclare l’artiste à un journaliste en 1978 [citation p. 49 du livre « Micheau-Vernez »].

[Illustration : carton d'invitation à l'exposition Micheau-Vernez à la Galerie Drouant en 1978 - "La Mosquée d'Omar à Jérusalem", huile sur toile, 1977]

Cet amateur de musique (aussi sonneur de cornemuse) sait faire vibrer les couleurs sur sa toile !

Auteur de quelques compositions abstraites au milieu des années 1960, il ne mènera pas plus loin l’expérimentation. Toutefois si Robert Micheau-Vernez était intellectuellement ouvert aux voies choisies par les autres artistes, sa rencontre avec Alberto Magnelli en 1968 n’infléchira pas sa création.

En 1978 a lieu a Paris à la Galerie Drouant sa première exposition personnelle d’importance. Le critique André Parinaud met alors en lumière les qualités indéniables de l’artiste : […] Sa peinture proclame l’assurance, la force, elle est structurée, affirmée, fougueuse. Chaque touche capte la lumière avec une qualité de précision technique qui montre la sureté de sa main. Mais le métier serait peu de chose sans cet œil amoureux, gourmand, attentif et profond qui commande l’intention du peintre. [texte extrait du carton d’invitation de l’exposition Micheau-Vernez à la Galerie Drouant – 1978].

Enfin, les créations pour la sphère religieuse sont également mises en lumière par cette exposition et l’ouvrage connexe.

Dans les années 1940, il signe un ensemble de verrières pour l’église Saint-Pierre de Parigné-le-Pôlin dans la Sarthe [jetez un œil ici pour en voir un peu plus : Parigné-le-Pôlin]. Par la même occasion, Robert Micheau-Vernez crée pour la même église un chemin de croix, dessine l’autel, le lutrin et le mobilier liturgique !

En Bretagne on lui doit, dès 1930, deux grands vitraux pour l’église paroissiale du Conquet, mais aussi trois vitraux pour l’église de Saint-Michel-en-Grève dans les Côtes d’Armor.

Dans les deux dernières décennies de sa vie, Robert Micheau-Vernez va œuvrer pour l’Eglise orthodoxe. Converti à cette confession, il en apprend les codes et, en 1969, peint sa première icône.

Outre une trentaine d’icônes peintes, on lui doit également des icônes en cuivre ou laiton repoussé (dont un magistral Christ en majesté réalisé en 1979).

Autant de facettes qui ne peuvent qu’inciter à découvrir et explorer la grande richesse de l’œuvre de Micheau-Vernez !


« Micheau-Vernez », Musée du Faouët – du 14 juin au 4 octobre 2009

1 rue de Quimper - 56320 LE FAOUËT

tél. 02 97 23 15 27 - fax : 02 97 23 36 74

site Internet : www.museedufaouet.fr


Juillet et août : tous les jours, 10h-12h / 14h-18h

Juin, septembre et octobre : Tous les jours (sauf le dimanche matin et le lundi) de 10h-12h / 14h-18h

Ouvert les jours fériés




Jean-Marc Michaud en collaboration avec Mikaël Micheau-Vernez et Bernard Jules Verlingue, Micheau-Vernez (1907-1989), Liv’éditions, 2009. [prix public 30 euros]

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