jeudi 7 juillet 2011

De Turner à Monet - la découverte de la Bretagne par les paysagistes au XIXe siècle

Comme je l'annonçais il y a quelques semaines, le Musée des beaux-arts de Quimper présente une exposition estivale digne d'intérêt. Le grand espace qui a été dévolu à la présentation des œuvres permet de mettre en évidence l'évolution du traitement du paysage sur plus d'une centaine d'années, mais aussi éclaire de manière fascinante le changement de la perception du territoire breton dans les mentalités. Très belle exposition donc, avec notamment en point d'orgue l'impressionnant "Port de Brest" de Turner ou encore des vues de Belle-Ile par Monet. Un coup de cœur personnel... "le Port de Camaret par ciel d'orage" (1873) de Boudin, habituellement visible à Lille.
L'hebdomadaire "Télérama" livre cette semaine une critique de cette exposition dont les dernières lignes me réjouissent particulièrement... La solution à l'uniformisation des centres-villes ne tient elle pas dans la recherche des commerces originaux et différents, à quelques pas des grands axes touristiques ?

Pour en savoir plus, on se plongera avec intérêt dans le catalogue de l'exposition publié en coédition par Palantines et le Musée des beaux-arts de Quimper (riche iconographie au-delà même des œuvres présentées à l'exposition), mais aussi dans deux ouvrages de Denise Delouche : Monet à Belle-Ile et Eugène Boudin et la Bretagne (les deux ouvrages aux éditions Palantines).

Octave Penguilly-L’Haridon, Les Petites Mouettes, 1858, Rennes, musée des beaux-arts
En 1847, un jeune professeur de dessin parisien nommé Charles Lesage entreprend un périple à pied de Rennes jusqu'à Brest, carnets de croquis en poche (une quinzaine de dessins ici présentés). A l'époque, la Bretagne, ça se mérite : soixante-douze heures depuis Paris par la malle-poste, un peu moins en vapeur (via la Loire), auberges calamiteuses, paysans méfiants. Lesage fait partie de cette nouvelle génération d'artistes lasse des voyages pittoresques policés, qui recherche la rudesse et l'étrangeté vers l'ouest. La péninsule, auréolée de ses légendes celtiques, attise toutes les curiosités. Leur Saint-Graal, c'est le bout du monde, le vrai : la pointe Saint-Mathieu et ses hautes falaises. Une abbaye y tombe en ruine. Lesage la couronne d'un halo sur papier bleuté. Turpin de Crissé, en 1806, la campe sous la pleine lune, dans un fracas de rochers aux couleurs ardoisées.
La mer aussi, bien sûr, attire ces artistes de plein air dont le musée de Quimper retrace les pérégrinations, du début du siècle jusqu'aux derniers feux de l'impressionnisme - une superbe Tempête, côte de Belle-Ile, de Claude Monet (1886), clôt le parcours. Le sujet est inédit, car, curieusement, l'histoire de l'art s'est plus intéressée aux représentations de la vie bretonne (paysans, pardons, etc.) qu'à ces paysages puissants qui soufflent une énergie nouvelle, où l'imaginaire n'est jamais loin. Turner, par exemple, en 1827, peint le port de Brest nimbé d'un fog orangé, entre Tamise et Venise ; Corot, les fontaines de l'arrière-pays où la vie âpre semble régie en silence ; Octave Penguilly-L'Haridon, en 1861, des rivages lunaires, quasi surréalistes. Quatre-vingts peintures, cinquante dessins : chacun y cherche son coin, sa plage, sa ruelle aujourd'hui formatée par les boutiques franchisées, à cinq heures de Paris en TGV.

| De Turner à Monet, la découverte de la Bretagne par les paysagistes au XIXe siècle, jusqu'au 31 août au musée des Beaux-Arts de Quimper (29) | Tél. : 02-98-95-45-20 | Catalogue co-éd. MBA Quimper-Palantines (192 p., 32 EUR).
 
                                              Sophie Cachon

Source : Telerama n° 3208 - 09 juillet 2011

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