Voilà une belle surprise !
Je ne connaissais jusqu'à présent, comme beaucoup, que des éléments disparates de cette artiste peintre : "Intérieur d'une faïencerie" (où il est question de faïence de Quimper) en dépôt au Musée départemental breton de Quimper, "Les sœurs blanches" exposé au Musée de la faïence de Quimper ou encore "La baignade" du Musée de Morlaix.
L'exposition du Musée de Pont-Aven donne à voir un ensemble large et très cohérent dans le cadre d'une organisation intelligente qui juxtapose thématique et chronologie... Pas d'effets, de mise en scène trop appuyée, juste l'œuvre (peintures et œuvres graphiques) et le public (merci de ne pas céder à cette curieuse tendance actuelle où la scénographie parasite la lecture des œuvres !). Cette simplicité fait écho à la rigueur technique alliée à la douceur des toiles d'Emma Herland (1855-1947) (dont la grande majorité se trouve dans des collections privées).
Que dire de l'ensemble que l'on nous donne ici à voir ? Au premier abord, bon nombre des poncifs sur la société bretonne de la fin XIXe début XXe sont au rendez-vous : sortie d'église avec mendiant, vie humble, laborieuse mais honnête, simplicité des plaisirs de ceux qui n'ont presque rien... Certes. Cependant, c'est oublier le regard de l'artiste, sa douceur, son humanisme et sa belle technique. Denise Delouche pointe cette problématique dans le catalogue : Quelle valeur peut-on accorder à cette peinture qui semble témoigner ? L'intérêt ethnographique n'est-il pas vicié par l'arrangement de la réalité observée en vue de plaire à un public habitué ? [p.24]. Et puis c'est à une artiste que nous avons à faire, une femme avec toutes les entraves que la condition pouvait représenter à l'époque (et les choses ont... partiellement changé). La conservatrice du Musée de Pont-Aven, Estelle Fresneau-Guille des Buttes, ne manque pas d'évoquer l'ambition d'Emma Herland d'accéder à la conservation du Musée des beaux-arts de Quimper... Et puis, le texte de Denise Delouche est également porteur de cette intelligente et nécessaire sympathie entre femmes d'hier et d'aujourd'hui.
A ce propos, que la Conservatrice du Musée pointe le travail de reconnaissance des femmes artistes engagé par les historiens de l'art américains, soit... mais il est bon de rappeler que Denise Delouche n'a eu de cesse de mettre en lumière nos Yvonne Jean-Haffen, Elodie La Villette ou encore Jeanne Malivel...
Enfin, pour revenir à nos moutons, une intéressante étude préparatoire à l'intérieur d'une faïencerie à Quimper donne une image sans doute beaucoup plus réelle du travail du potier quimpérois : moins de mise en scène, un désordre relatif où les statuettes religieuses côtoient les récipients utilitaires... Et puis, remarquons aussi les marchés aux faïences et la trace permanente de ces mêmes céramiques dans les intérieurs bretons.
L'exposition est visible jusqu'au premier juin 2009.
Un catalogue est en vente au Musée de Pont-Aven au prix de 21 euros (forte iconographie et texte de Denise Delouche. Un seul bémol concernant le catalogue : pourquoi ne pas titrer la tranche ? Merci de penser à ceux qui, durant des heures, recherchent un ouvrage désespérément anonyme...).
Dernière chose ; le
Musée de Pont-Aven nous gâte (comme souvent)... L'été prochain l'exposition sera consacrée à "Maurice Denis et la Bretagne".